Contrairement au recours contre un titre de perception, le recours contre la lettre information d’une retenue sur traitement est un REP

 

 

Dans cette affaire, la société La Poste avait informé par courrier la requérante de ce qu’elle allait opérer des retenues sur le traitement de cette dernière, pour absence de service fait en conséquence de l’exercice de son droit de retrait.

 

La requérante a formé un recours contre cette lettre, et la question ainsi posée au Conseil d’Etat était celle de la nature de ce contentieux : relève-t-il par nature, en totalité, du plein contentieux ou constitue-t-il, en totalité, un recours pour excès de pouvoir ou relève-t-il à la fois de l’excès de pouvoir et du plein contentieux ?

 

Dans un avis du 25 mai 2023, le Conseil d’Etat a clarifié la question (CE, Avis, 25 mai 2023, req. n° 471035) :

  • Un recours dirigé contre un titre de perception relève par nature du plein contentieux ;
  • En revanche, le recours contre la lettre informant un agent public de ce que des retenues pour absence de service fait vont être effectuées sur son traitement, si elle ne comporte pas l’indication du montant de la créance ou qu’elle émane d’un organisme employeur qui n’est pas doté d’un comptable public, est un recours pour excès de pouvoir ;
  • Le fait de demander, dans un tel recours, une injonction à l’administration de rembourser la somme prélevée n’a pas pour effet de donner à l’ensemble des conclusions le caractère d’une demande de plein contentieux ;
  • Et ainsi donc, le moyen tiré de la méconnaissance de l’office est d’ordre public.

 

Une conclusion qui peut avoir son importance en appel, et permettre la remise en cause du jugement de première instance, mais qui n’est pas sans rappeler la complexité de la procédure administrative.

Obligation de remboursement de l’indemnité de rupture et nouveau recrutement dans la fonction publique: les agents de l’Etat moins bien lotis que les autres

L’après rupture conventionnelle n’offre pas les mêmes possibilités de retrouver un poste pour tous les agents de la fonction publique. En effet, l’article 72 de la loi n° n° 2019-828 du du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a instauré une obligation de remboursement de l’indemnité perçue à l’issue de la rupture conventionnelle, si l’agent retrouve un emploi de près ou de loin dans la même administration dans les 6 années qui suivent la rupture :

 

 

Mais justement, en pratique, les différences sont importantes en fonction des agents concernés :

 

  • Pour les agents de l’Etat, l’obligation de remboursement est très large puisqu’elle s’appliquera à tout agent de nouveau recruté pour occuper un emploi au sein de la fonction publique de l’Etat ;

 

  • pour les agents de la fonction publique territoriale, l’obligation de remboursement s’imposera à tout agent recruté :
    • pour occuper un emploi au sein de la collectivité territoriale avec laquelle il est convenu d’une rupture conventionnelle ;
    • ou auprès de tout établissement public en relevant ou auquel appartient la collectivité territoriale;
    • mais également l’agent recruté pour occuper un emploi au sein de l’établissement avec lequel il est convenu d’une rupture conventionnelle ou d’une collectivité territoriale qui en est membre.

 

  • quant à la fonction publique hospitalière, l’obligation de remboursement se limite à un recrutement au sein de l’établissement avec lequel l’agent a conclu une rupture conventionnelle

Autrement dit, les agents de l’Etat ayant conclu une rupture ont plutôt intérêt, s’ils veulent retrouver un emploi dans la fonction publique, à se tourner vers les deux autres versants (territoriale et hospitalière) afin d’éviter d’avoir à rembourser l’indemnité de rupture conventionnelle.

 

En revanche, pour les agents territoriaux et hospitaliers, c’est beaucoup plus simple. En pratique, ils n’ont qu’à éviter de retourner auprès de leur ancien employeur ou, pour les agents territoriaux, auprès d’un établissement public dont il est membre. Sous cette réserve, un agent public territorial peut donc tout à fait se faire recruter par une commune voisine, même si elle est membre d’une même communauté de communes (voir en ce sens TA Strasbourg, 4 avril 2023, Mme A. c/ Commune d’Oberdorff, req. n°2106793).

Les propos fautifs tenus dans un groupe whatsapp sont sanctionnables !

Dans un arrêt récent (CAA 23 mars 2023, n°21DA02968), le juge administratif a reprécisé les contours de la faute commise dans la vie privée du fonctionnaire, et en dehors du service, en se penchant plus précisément sur le cas de messages échangés via la messagerie WhatsApp.

 

WhatsApp, c’est cette application mobile qui fournit un système de messagerie instantanée chiffrée. Lorsqu’on échange sur cette messagerie, les messages sont donc privés. La question était donc de savoir ici si des messages échangés entre collègues, principalement en dehors du service et dans ce groupe privé, pouvait valoir sanction disciplinaire.

 

La réponse de la Cour administrative d’appel est sans ambiguïté: c’est OUI !

 

 

1.Il est possible de prendre en compte des faits ou propos tenus dans la sphère privée

 

En l’espèce, il s’agissait d’un fonctionnaire de la police nationale, qui avait, dans le fil d’une discussion WhatsApp, au sein d’un groupe composé notamment de plusieurs collègues de son unité, tenu à quatre reprises des propos racistes et discriminatoires, en partie sur son temps de travail.

Le juge administratif a d’abord rappelé que les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d’une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l’intéressé et à l’étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l’agent ou sur l’administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d’agent public. Le fait qu’en l’espèce, l’agent était membre de la police nationale a été sans doute un critère aggravant, tant les obligations de dignité et d’intégrité qui pèsent sur ces agents sont importantes (voir notamment l’article R. 434-12 et suivants du code de la sécurité intérieure).

 

2. Le policier n’avait eu aucune circonstance atténuante en l’espèce

 

La Cour a ensuite qualifié les faits en cause en prenant en considération la circonstance que :

  • si l’agent avait commis pour partie les faits en cause en dehors de l’exercice de ses fonctions, un policier ne doit se départir de sa dignité en aucune circonstance et à aucun moment, que ce soit en service ou en dehors du service, y compris lorsqu’il s’exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, et doit s’abstenir de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale ;
  • tenir des propos racistes et discriminatoires dans une discussion sur un réseau social constitue des manquements caractérisés d’un policier à ses obligations statutaires et déontologiques, et en particulier aux devoirs de dignité, d’intégrité et d’exemplarité ;
  • l’agent en question n’avait eu aucun comportement modérateur ou dissuasif des commentaires comportant des propos violemment racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires émis par les autres membres du groupe;
  • et enfin, que le groupe Whatsapp sur lequel s’échangeaient les messages écrits incriminés ait eu un caractère privé et non public et que ces échanges soient intervenus, en partie, en dehors du service n’empêchait pas l’autorité administrative de les prendre en compte pour apprécier le comportement de son agent et son caractère fautif.

Une circonstance aggravante a également été retenue, celle d’avoir porté une atteinte grave à l’image du service public de la police nationale. Compte tenu de ces manquements, l’agent a – de façon logique – été révoqué.

 

Cette affaire met en lumière le devoir d’exemplarité de tous les agents publics, et pas seulement des policiers. En effet, une sanction disciplinaire pourra etre infligée dès lors que des comportements fautifs peuvent etre qualifiés dans la sphère privée.