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Clémentine Lacoste et Anne-Laure Vojique

Avocats en droit de la fonction publique

Les propos fautifs tenus dans un groupe whatsapp sont sanctionnables !

Dans un arrêt récent (CAA 23 mars 2023, n°21DA02968), le juge administratif a reprécisé les contours de la faute commise dans la vie privée du fonctionnaire, et en dehors du service, en se penchant plus précisément sur le cas de messages échangés via la messagerie WhatsApp.

 

WhatsApp, c’est cette application mobile qui fournit un système de messagerie instantanée chiffrée. Lorsqu’on échange sur cette messagerie, les messages sont donc privés. La question était donc de savoir ici si des messages échangés entre collègues, principalement en dehors du service et dans ce groupe privé, pouvait valoir sanction disciplinaire.

 

La réponse de la Cour administrative d’appel est sans ambiguïté: c’est OUI !

 

 

1.Il est possible de prendre en compte des faits ou propos tenus dans la sphère privée

 

En l’espèce, il s’agissait d’un fonctionnaire de la police nationale, qui avait, dans le fil d’une discussion WhatsApp, au sein d’un groupe composé notamment de plusieurs collègues de son unité, tenu à quatre reprises des propos racistes et discriminatoires, en partie sur son temps de travail.

Le juge administratif a d’abord rappelé que les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d’une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l’intéressé et à l’étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l’agent ou sur l’administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d’agent public. Le fait qu’en l’espèce, l’agent était membre de la police nationale a été sans doute un critère aggravant, tant les obligations de dignité et d’intégrité qui pèsent sur ces agents sont importantes (voir notamment l’article R. 434-12 et suivants du code de la sécurité intérieure).

 

2. Le policier n’avait eu aucune circonstance atténuante en l’espèce

 

La Cour a ensuite qualifié les faits en cause en prenant en considération la circonstance que :

  • si l’agent avait commis pour partie les faits en cause en dehors de l’exercice de ses fonctions, un policier ne doit se départir de sa dignité en aucune circonstance et à aucun moment, que ce soit en service ou en dehors du service, y compris lorsqu’il s’exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, et doit s’abstenir de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale ;
  • tenir des propos racistes et discriminatoires dans une discussion sur un réseau social constitue des manquements caractérisés d’un policier à ses obligations statutaires et déontologiques, et en particulier aux devoirs de dignité, d’intégrité et d’exemplarité ;
  • l’agent en question n’avait eu aucun comportement modérateur ou dissuasif des commentaires comportant des propos violemment racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires émis par les autres membres du groupe;
  • et enfin, que le groupe Whatsapp sur lequel s’échangeaient les messages écrits incriminés ait eu un caractère privé et non public et que ces échanges soient intervenus, en partie, en dehors du service n’empêchait pas l’autorité administrative de les prendre en compte pour apprécier le comportement de son agent et son caractère fautif.

Une circonstance aggravante a également été retenue, celle d’avoir porté une atteinte grave à l’image du service public de la police nationale. Compte tenu de ces manquements, l’agent a – de façon logique – été révoqué.

 

Cette affaire met en lumière le devoir d’exemplarité de tous les agents publics, et pas seulement des policiers. En effet, une sanction disciplinaire pourra etre infligée dès lors que des comportements fautifs peuvent etre qualifiés dans la sphère privée.

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