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Clémentine Lacoste et Anne-Laure Vojique

Avocats en droit de la fonction publique

La précarité des formateurs vacataires de l’administration

Le statut de vacataire est particulièrement utilisé dans la fonction publique pour le recrutement de formateurs, intervenant au profit d’agents publics sur des disciplines très diversifiées. Leur statut est bien différent des agents contractuels de droit public et reste notamment très précaire, ainsi que l’a rappelé le juge administratif dans un arrêt récent rendu par la Cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 15 mai 2021, req. n° 18BX03075).

 

L’affaire traitée par le juge administratif opposait une formatrice en psychologie et communication, employée de 1990 à 2012 en qualité de formateur vacataire, et son employeur le CNFPT (centre national de la fonction publique territoriale).

 

La formatrice avait donc été employée pendant 22 ans pendant le CNFPT pour y donner des formations. Elle y avait travaillé de 8 à 10 mois par an en fonction des années, pour un volume horaire ayant varié de 230 heures à 770 heures annuellement. La requérante prétend que le fait que le CNFPT ait continué pendant toutes ces années à l’employeur régulièrement pour donner des formations traduisait en réalité un besoin permanent de sa part, devant entraîner la requalification de ses multiples contrats de vacation en un CDI de droit public.

 

Mais le juge n’a pas retenu son argumentation.

 

Plus précisément, il rappelle qu’un agent a la qualité de « vacataire » dans la fonction publique lorsqu’il a été engagé pour exécuter un acte déterminé, c’est-à-dire « lorsqu’il a été recruté pour répondre ponctuellement à un besoin de l’administration« . La circonstance que cet agent a été recruté plusieurs fois pour exécuter des actes déterminés n’a pas pour effet, à elle seule, de lui conférer la qualité d’agent contractuel. En revanche, lorsque l’exécution d’actes déterminés multiples répond à un besoin permanent de l’administration, l’agent doit être regardé comme ayant la qualité d’agent non titulaire de l’administration.

 

En d’autres termes, pour le juge administratif l’administration peut recruter un vacataire plusieurs fois et sur une longue période, tant que c’est pour répondre à un besoin ponctuel à chaque fois ; en revanche, si cela cache en réalité un besoin permanent, il admet la requalification en contrat de droit public.

 

En l’espèce, c’est le fait que le recours à des formateurs en psychologie et communication est variable qui a fait pencher la balance vers le caractère non permanent du besoin. Plus précisément, le juge a pris en compte le fait que ce recours dépendait :

  • des besoins exprimés par les agents de la fonction publique territoriale;
  • des disponibilités des intervenants qui en étaient chargés;
  • et de l’opportunité de proposer aux collectivités des formations qui n’entrent pas dans les missions obligatoires du CNFPT.

 

Effectivement, l’argumentation du CNFPT s’entend: l’organisation des formations ne fait pas partie de ses missions obligatoires, et il n’organise des formations sur tel ou tel thème que tant qu’il y a des agents intéressés, le besoin s’éteignant et se renouvelant sans cesse par ailleurs. Toutefois, compte tenu du fait qu’au fur et à mesure des années, la demande pour des formations en communication et psychologie ne faiblissait pas, un besoin permanent aurait pu être qualifié ici.

 

La solution reste en tout cas sévère pour l’agent en question, et de façon générale pour tous les formateurs d’agents publics qui se retrouvent dans des situations similaires. Reste à voir si la requérante ira porter l’affaire en cassation devant le Conseil d’Etat, afin que le débat soit tranché une bonne fois pour toutes.