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Clémentine Lacoste et Anne-Laure Vojique

Avocats en droit de la fonction publique

Décharge totale d’activité de service : pas forcément un moyen d’échapper à l’obligation vaccinale

L’obligation de vaccination de certains personnels de la fonction publique n’en finit plus de faire des mécontents. Pas forcément bien acceptée par les personnels concernés, cette obligation se voit pourtant systématiquement renforcée par le juge administratif, saisi de très nombreux litiges.

Dernièrement, le Conseil d’Etat a statué en référé sur la question des personnels concernés par l’obligation de vaccination eu regard du critère géographique prévu par la loi (Conseil d’Etat 20 octobre 2021, Centre hospitalier d’Angoulême, req. n° 457101), pour donner de nouveau raison au Législateur.

En raison de l’amélioration progressive de la situation sanitaire, les mesures de santé publique destinées à prévenir la circulation du virus de la covid-19 ont été remplacées, après l’expiration de l’état d’urgence le 1er juin 2021, par celles de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Mais après une diminution de l’épidémie, la situation sanitaire, à partir du mois de juin 2021, s’est dégradée de nouveau du fait de la diffusion croissante du variant Delta. A la fin du mois de juillet 2021, au regard de cette évolution et alors que la couverture vaccinale de la population était encore insuffisant pour conduire à un reflux durable de l’épidémie, la loi du 31 mai 2021 a été modifiée et complétée par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

 

 

Cette loi a institué une obligation de vaccination pour un certain nombre de professionnels, notamment dans les établissements de santé. Précisément, dans la définition de son champ d’application, le Législateur a utilisé plusieurs critères, dont notamment un critère géographique.

 

Ainsi, sont concernées par cette obligation toutes les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d’établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux (article 12 de la loi). Toutefois, la loi réserve une exception: ne sont pas soumis à cette obligation les personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des locaux concernés.

Justement, un aide-soignant avait saisi le juge administratif en référé. Cet agent bénéficiait d’une décharge totale d’activité de service pour motif syndical et considérait qu’il n’avait pas à être soumis à l’obligation vaccinale, soutenant qu’il n’intervenait que ponctuellement dans les établissements de santé.

 

Le Conseil d’Etat, comme le Tribunal administratif de Poitiers avant lui, a invalidé son point de vue.

 

D’une part, la Haute juridiction considère que l’extension du champ de l’obligation de vaccination imposée par la loi du 5 août 2021 à l’ensemble des personnels d’un établissement de santé entrant dans le champ du I 1° de son article 12, y compris ceux y exerçant une activité syndicale, ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté syndicale.

 

Pour le Conseil d’Etat, par cette extension le législateur a entendu protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19. C’est pourquoi l’obligation de vaccination concerne aussi des personnels, notamment administratifs, qui ne sont pas en contact direct avec les malades dès lors qu’ils entretiennent nécessairement, eu égard à leur lieu de travail, des interactions avec des professionnels de santé en contact avec ces derniers. Il en va ainsi aussi des personnels des établissements hospitaliers qui bénéficient d’une décharge, même totale, d’activité de service pour raison syndicale dès lors qu’ils exercent leur activité syndicale dans les locaux d’un tel établissement.

 

D’autre part, le juge administratif a examiné si concrètement, le requérant exerçait une activité ponctuelle au sein des établissements concernés par l’obligation vaccinale ou s’il devait être lui-même soumis à l’obligation. En l’espèce, l’agent bénéficiait certes d’une décharge totale d’activité de service pour raison syndicale, mais il exerçait son activité syndicale dans l’enceinte de cet établissement hospitalier où est situé le local syndical. Il était ainsi conduit à accompagner d’autres agents lors d’entretiens avec la direction de l’hôpital ainsi qu’à animer des réunions ou distribuer des tracts dans les locaux de l’établissement.

 

Le Conseil d’Etat a considéré, de façon assez logique, qu’il entrait donc dans le champ de l’obligation vaccinale prévue par les dispositions du 1° du I de l’article 12 de la loi du 5 août 2021, sans pouvoir être regardé comme se bornant à exercer une tâche ponctuelle au sens du même article.