Les commissions consultatives paritaires (CCP) existent depuis déjà plusieurs années dans la fonction publique (depuis 2012). Toutefois, le décret qui a explicité leur rôle et leur organisation n’a été publié, pour la fonction publique territoriale, que le 24 décembre 2016 (Décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016). Et ce décret avait arrêté la date de l’élection des représentants aux CCP à la date du prochain renouvellement général des instances représentatives du personnel de la fonction publique territoriale (article 33 dudit décret), soit au 6 décembre 2018.
Autrement dit, c’est vraiment depuis 1 mois maintenant que les CCP sont en ordre de bataille dans les collectivités territoriales. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que leur existence modifie un certain nombre de choses pour les agents….et leurs collectivités employeuses !
Clémentine Lacoste et Anne-Laure Vojique
Avocats en droit de la fonction publique
Commissions consultatives paritaires : le changement, c’est vraiment maintenant !
- 01/01/2019
Les CCP sont créées dans chaque collectivité territoriale ou établissement public. Toutefois selon les cas, la CCP peut être instituée soit au sein de la collectivité ou de l’établissement (pour les collectivités qui ne sont pas obligatoirement affiliées au centre de gestion), soit au niveau du centre de gestion (obligatoirement pour les collectivités ou établissements qui y sont déjà affiliés).
Comme pour les CAP, elles sont composées pour moitié de représentants de l’administration et pour moitié de représentants du personnel.
Quels sont les agents concernés ?
Tous les agents contractuels de droit public : ceux recrutés sur la base des articles 3, 3-1, 3-2 et 3-3 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984, ceux recrutés directement sur un emploi fonctionnel (art. 47 de la même loi), les collaborateurs de cabinet et les collaborateurs de groupes d’élus, les assistants maternels et assistants familiaux, et même les agents recrutés dans le cadre du PACTE.
Quelles sont les compétences des CCP ?
Deux rôles leur sont attribués par les textes, selon les sujets concernés : soit celui d’émettre un avis ou d’émettre des propositions sur des décisions individuelles prises à l’égard des agents contractuels et sur toute question d’ordre individuel concernant leur situation professionnelle ; soit dans certaines situations, l’autorité territoriale a, à leur égard, une simple obligation d’information.
Les CCP ont un rôle à jouer dans les domaines suivants :
1. Conditions d’exercice des fonctions
Télétravail : à la demande de l’agent, les CCP sont saisies des décisions de refus opposées à un agent, ou des décisions d’interruption à l’initiative de la collectivité (art. 20 du décret du 23 décembre 2016)
Temps partiel : toujours à la demande de l’agent, les CCP sont saisies des décisions refusant l’autorisation d’accomplir un service à temps partiel et des litiges d’ordre individuel relatifs aux conditions d’exercice du temps partiel (même article).
Formation : à la demande de l’agent, les CCP sont saisies :
- des décisions de l’autorité territoriale opposant un deuxième refus successif à un agent qui demande à suivre une formation non obligatoire (art. 20 du décret et art. 2 loi n°84-594 du 12 juil. 1984) ;
- le refus d’une demande de mobilisation du compte personnel de formation (CPF) peut être contesté par l’agent devant la CCP (art. 22 quater II loi n°83-634 du 13 juillet 1983) ;
- si une demande de mobilisation du CPF a été refusée pendant deux années successives, le rejet d’une troisième demande portant sur une action de formation de même nature ne peut être prononcé qu’après avis de la CCP (art. 22 quater II de la loi) ;
- les CCP sont informées des décisions de rejet des demandes de congé pour formation syndicale (art. 20 du décret du 24 décembre 2016).
2. Entretien professionnel
A la demande de l’agent, les CCP peuvent être saisies d’une demande de révision du compte rendu de l’entretien professionnel (art. 20 du décret).
Sur ce sujet, la CCP dispose d’un véritable pouvoir puisqu’elle peut proposer à la collectivité la modification du compte rendu de l’entretien professionnel, sous réserve que l’agent ait au préalable exercé une demande de révision auprès de l’autorité territoriale.
3. Discipline
Les CCP sont obligatoirement consultées sur les questions individuelles relatives aux sanctions disciplinaires autres que l’avertissement et le blâme (art. 36-1 du décret n°88-145 du 15 février 1988 et art. 20 décret du 23 décembre 2016).
4. Droit syndical
Les CCP sont consultées avant la mise à disposition d’un agent contractuel auprès d’une organisation syndicale (art. 21 décret n°85-397 du 3 avr. 1985) et sur les décisions de non-renouvellement du contrat des personnes investies d’un mandat syndical (art. 38-1 décret du 15 février 1988).
En outre, dans le cadre d’une décharge d’activité de service en faveur des organisations syndicales, la CCP doit être informée si l’autorité territoriale refuse la désignation d’un agent qu’elle estime incompatible avec la bonne marche de l’administration (art. 20 décret n°85-397 du 3 avr. 1985).
5. Fin de fonctions
Licenciement :
L’autorité territoriale est tenue de consulter la CCP pour toute décision de licenciement d’un agent contractuel au-delà de la période d’essai (art. 20 décret du 23 décembre 2016).
Quel que soit le motif (inaptitude physique définitive, insuffisance professionnelle ou dans l’intérêt du service), l’autorité territoriale doit donc saisir la CCP lorsqu’elle envisage de procéder au licenciement d’un agent contractuel.
Il existe toutefois deux exceptions à ce principe : pour le licenciement des agents recrutés directement dans certains emplois fonctionnels de direction en application de l’article 47 loi n°84-53 du 26 janvier 1984 et des collaborateurs de cabinet, la saisine de la CCP n’est pas obligatoire.
En principe, la CCP doit être saisie à l’issue de l’entretien préalable, avant la notification de la décision de licenciement à l’agent (art. 42-1 décret n°88-145 du 15 février 1988).
Toutefois, la consultation de la CCP doit intervenir avant l’entretien préalable en cas de licenciement d’un agent (art. 42-2 du même décret) :
- qui siège au sein d’un organisme consultatif au sein duquel s’exerce la participation des fonctionnaires et agents contractuels territoriaux
- qui a obtenu au cours des 12 mois précédant le licenciement une autorisation spéciale d’absence accordée pour assister aux congrès et réunions des organismes directeurs syndicaux (art. 16 et 17 décret n°85-397 du 3 avril 1985)
- qui bénéficie d’une décharge d’activité de service pour activités syndicales égale ou supérieure à 20% de son temps de travail
- ancien représentant du personnel au sein d’un organisme consultatif, lorsqu’il intervient durant les 12 mois suivant l’expiration de son mandat, ou candidat non élu, pendant un délai de six mois après la date de l’élection pour la création ou le renouvellement de l’organisme consultatif.
Impossibilité de reclassement avant licenciement
Avant de procéder au licenciement de l’agent, l’autorité territoriale doit, dans certains cas, chercher à reclasser l’agent. Dans le cas où elle n’y parviendrait pas, elle doit porter à la connaissance de la CCP les motifs qui empêchent ce reclassement (art. 20 décret n°2016-1858 du 23 décembre 2016).
6. Transfert de personnel en matière de coopération intercommunale
En la matière, les CCP doivent être consultées dans plusieurs situations :
- en cas de restitution d’une compétence d’un EPCI aux communes membres, sur l’affectation d’un agent contractuel, qui ne peut être affecté dans son administration d’origine aux fonctions qu’il exerçait précédemment, sur un poste de même niveau de responsabilités (art. L. 5211-4-1 IV bis du CGCT) ;
- pour donner un avis sur la convention de répartition des agents transférés par les communes ou recrutés par l’EPCI et chargés, pour la totalité de leurs fonctions, de la mise en œuvre de la compétence restituée (art. L. 5211-4-1 IV bis du CGCT) ;
- lors de la mise en place de services communs, sur le transfert à l’EPCI ou à la commune chargée du service commun des agents remplissant en totalité leurs fonctions dans un service ou une partie de service mis en commun (art. L. 5211-4-2 du CGCT).
- Il en est de même lors de la mise en place de services communs au sein de la métropole du Grand Paris (art. L. 5219-12 du CGCT).
Pour conclure, les agents contractuels territoriaux se doivent donc d’être extrêmement vigilants sur les nouvelles règles de procédure qui leur sont applicables. En effet, alors que les collectivités territoriales étaient jusque-là exemptées de saisir la CCP pour les décisions concernant leurs agents contractuels, la consultation de cette instance est désormais obligatoire dans un grand nombre de domaines. Vigilance, donc, car un oubli aura les mêmes conséquences que l’absence de saisine de la CAP pour les fonctionnaires titulaires, à savoir l’illégalité des procédures menées !