Demander les motifs de son arrêt de travail à un subordonné est une faute disciplinaire !

Une affaire intéressante a donné l’occasion au juge administratif d’affirmer très clairement qu’il est interdit pour un supérieur hiérarchique de demander les motifs d’un arrêt maladie à un de ses subordonnés – et même plus, que le fait de demander ces motifs constitue une faute disciplinaire passible de sanction.

Retour sur cette décision (CAA Nantes, 19 juillet 2022, M. D c/ ville de Nantes, req. n° 21NT01274).

 

 

Dans cette affaire, lors d’une réunion de service en présence de plusieurs agents, un agent avait demandé à l’une de ses subordonnées, qui était la responsable de service, les motifs de son récent arrêt de travail.

 

Le juge administratif a considéré que cet agissement était fautif, et de nature à justifier une sanction disciplinaire. Il a notamment pris en compte, dans le cas d’espèce:

  • le positionnement hiérarchique de l’agent et son expérience de l’encadrement ;
  • et le fait que cette demande avait été faite publiquement, dans le cadre d’une réunion de service.

 

Le juge rappelle à cette occasion que les motifs d’un arrêt de travail ne peuvent être obtenus que lors de procédures particulières de contrôle des arrêts de travail établies par des textes réglementaires auxquelles le supérieur hiérarchique des agents n’est pas associé. Et ainsi, qu’en demandant à sa subordonnée le motif de son récent arrêt de travail, l’agent avait commis un manquement fautif de nature à justifier une sanction disciplinaire.

 

L’agent a contesté la matérialité des faits, prétextant qu’il se serait contenté en fait de demander à sa subordonnée si son arrêt était en lien avec ses fonctions. Toutefois, les éléments du dossier démontraient qu’il avait bel et bien été jusqu’à demander les motifs de l’arrêt.

 

En conséquence, le juge a considéré qu’il avait été à bon droit sanctionné d’un blâme.

 

Clémentine Lacoste

Avocate Associée

La placardisation, une atteinte aux conditions de travail pouvant ouvrir droit à indemnisation

 

Par un arrêt du 6 janvier 2022, la Cour administrative d’appel de Lyon a eu l’occasion de se pencher sur une affaire de mise au placard d’un agent en fin de carrière dans le cadre d’une réorganisation des services (CAA Lyon, 6 janvier 2022, req. n° 19LY03247). Les juges d’appel y ont reconnu une atteinte au conditions de travail de l’intéressée, et fait droit à sa demande indemnitaire au titre du préjudice moral subi.

 

Dans cette affaire, l’agent, en CDI, occupait un poste de chef de projet pour le suivi et la gestion des opérations de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine portant sur les quartiers ouest de la commune de Nevers. En 2014, le changement d’équipe municipale a entraîné une réorganisation générale des services. Dans ce contexte, l’agente a candidaté au poste de responsable du service de proximité et de cohésion sociale, mais n’a pas été retenue par le Maire.

Sur le moyen tiré d’une faute de la commune dans le traitement de sa candidature, les juges d’appel ne font pas droit à la demande de l’appelante, rappelant les pouvoirs propres du maire de définir l’organisation de l’administration communale.

En revanche, la Cour administrative d’appel relève que l’agente a bel et bien été écartée de toute fonction et privée de tout moyen, dont d’un bureau, ayant été évincée de celui qui lui était attribué, sur instruction du collaborateur de cabinet du maire. En outre, l’appelante n’avait reçu aucune information sur les postes pour lesquels elle pouvait être admise à présenter sa candidature, alors que cette procédure d’information avait été conduite pour les autres agents placés dans la même situation.

Constatant ainsi la faute de la commune, la Cour administrative d’appel de Lyon a condamné la commune de Nevers à indemniser le préjudice moral subi par l’agente, à hauteur de 2000 euros.

Un petit pas vers la sanction de la pratique de la mise au placard, mais une condamnation dont le montant apparait comme fort peu dissuasif !

 

Anne Laure Vojique

Avocate associée